Le taux d’intention de se lancer en affaires diminue d’année en année au Québec. Il est même parmi les plus bas au pays, selon un sondage RBC. Pour freiner ce déclin, des acteurs du milieu misent sur l’entrepreneuriat d’impact, le repreneuriat et la valorisation des modèles positifs.
Quand il a lancé Flirt Drinks avec son ami (et beau-frère) Xavier Cardinal en 2018, Alexy Lavigne-McPhee n’imaginait pas tout ce que l’aventure impliquerait. « C’est la période où je sens le plus d’incertitude depuis que je suis les nouvelles », confie-t-il. « Les gens cherchent de la stabilité. Se lancer en affaires, c’est tout sauf stable. »
L’entreprise, qui produit des limonades pétillantes à partir de fruits frais invendus, a néanmoins connu une croissance rapide. « On est passés de 600 à 2000 points de vente en un an », raconte-t-il. La petite compagnie de 10 employés a également doublé son chiffre d’affaires. « Mais il faut un peu d’innocence au début pour croire que tout va bien aller. »
Comme beaucoup d’entrepreneurs, les deux cofondateurs ont appris en avançant.
« On a choisi de faire un produit minimum viable, de tester, d’itérer, de voir comment ça fonctionnait sur le marché. Aujourd’hui, je me rends compte que plus de préparation aurait été bénéfique. Nos erreurs nous ont coûté cher », avoue Alexy Lavigne-McPhee.
Son passage à l’Esplanade Québec, un accélérateur d’entreprises d’impact, a été déterminant. « L’esplanade, c’est du monde qui croit en toi, remarque l’entrepreneur de 30 ans. Ils nous appelaient constamment pour voir comment ils pouvaient nous aider, nous amener plus loin. Ça nous a donné du souffle. »

Des solutions concrètes
La directrice générale d’Esplanade Québec constate que les entrepreneurs rencontrent de nombreux défis. « Ils doivent trouver du financement pour la croissance, avoir un fonds de roulement, générer des ventes, conclure des partenariats stratégiques », énumère Isabelle Thibault.
Pour relancer l’entrepreneuriat, celle-ci propose différentes pistes de solutions. D’abord, valoriser les parcours positifs.
« Les médias parlent beaucoup des ratés, comme Northvolt ou Lion Électrique, mais très peu des réussites. Il faut montrer des exemples inspirants. »
La diversité des modèles doit, selon elle, être mieux connue. « On voit des employés de grandes entreprises lancer des projets à l’interne. C’est aussi une forme d’entrepreneuriat », illustre-t-elle.
Elle plaide aussi pour un écosystème plus coordonné. « Il existe énormément d’initiatives de soutien, de fonds, de subventions, mais il n’y a pas de concertation. L’entrepreneur doit faire les douze travaux d’Astérix pour s’y retrouver. »
Le milieu des affaires gagnerait également à être plus inclusif. « À peu près 3 % du capital de risque va aux femmes entrepreneures, rappelle Isabelle Thibault. On se prive de talent énorme. » Elle cite en exemple les programmes de la BDC qui soutiennent l’entrepreneuriat féminin, mais aussi l’entrepreneuriat pour les communautés noire et autochtone. « Ce sont des modèles à amplifier. »
Miser sur le repreneuriat
Isabelle Thibault estime en outre qu’il faut se tourner davantage vers la reprise d’entreprise. Alexandre Ollive, PDG de Repreneuriat Québec, abonde dans le même sens. « Depuis 2021, on transfère plus d’entreprises qu’on en crée, souligne-t-il. Pour les 12 prochains mois, environ 12 000 entreprises sont prêtes à changer de main. »
Le défi est énorme : « Pas moins de 40 % des propriétaires-dirigeants ont 55 ans et plus, mais six sur dix n’ont pas de plan de relève. »
Pourtant, les organisations reprises survivent mieux. « Cinq ans après un transfert, 87 % des entreprises sont toujours en activité, contre 56 % pour les jeunes pousses. » Ces transitions peuvent même stimuler l’innovation.
Plus une entreprise a été transférée souvent, plus son niveau d’innovation augmente, explique Alexandre Ollive. Chaque nouvelle direction apporte une vision différente, de nouvelles idées et pratiques.
Le problème ? « Beaucoup d’entrepreneurs n’osent pas dire qu’ils veulent vendre, souvent de peur d’effrayer leurs employés ou leurs fournisseurs. »
Pour contrer ce phénomène, Repreneuriat Québec mise sur la préparation et l’accompagnement. « On conseille aux cédants de créer un comité de relève et d’explorer les différentes possibilités, comme la reprise familiale ou à plusieurs. »
Isabelle Thibault croit aussi au potentiel de la relève. « Il faut valoriser les jeunes qui reprennent des entreprises traditionnelles pour leur donner une mission sociale ou écologique. »
Les cofondateurs de Flirt Drinks, eux, poursuivent sur leur lancée. « Chaque année, on prend la décision réfléchie de s’investir encore plus dans notre projet », souligne Alexy Lavigne-McPhee. Malgré l’incertitude, les deux acolytes comptent même percer le marché américain en 2026.
Article paru dans La Presse.
