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Laissez-moi vous parler de mon métier… designer funéraire (La Presse)

Que fait un boutefeu? À quoi ressemble le quotidien d’un animalier ou d’un détective privé? Pour le savoir, La Presse les a rencontrés. Regard sur des métiers inusités, rares ou méconnus.

Barbara Claus côtoie la mort depuis longtemps. Fascinée par le trépas depuis son tout jeune âge, cette artiste en art contemporain se présente comme une designer funéraire, et met l’art au service du souvenir.

«À quatre ans, on m’a empêchée d’assister aux funérailles de mon arrière-grand-mère. Je crois que mon intérêt pour la mort est parti de là», raconte l’artiste belge au tournant de la cinquantaine. Elle a ensuite passé son adolescence à photographier les cimetières.

À son arrivée à Montréal dans les années 80, elle se baladait souvent au cimetière de Côte-des-Neiges. Elle en a depuis visité beaucoup d’autres au fil de ses voyages, un peu partout dans le monde.

La mort à la sauce contemporaine

Comme artiste, tout son travail s’articule autour de la mort, de l’éphémère et de l’éternel. «Des sculptures du Père-Lachaise aux offrandes aux morts du Mexique, ces lieux m’ont inspirée à créer des oeuvres contemporaines. Depuis le décès de mon frère, presque tout de suite après mon déménagement au Québec, la mort ne m’a plus quittée. C’est pour ces raisons que j’ai décidé de concevoir des monuments funéraires», explique Mme Claus.

Les urnes et les pierres tombales de Barbara Claus détonnent. Sur du granite noir, toujours, elle grave au laser haute résolution des photos, des images ou des mots. Le résultat est très détaillé et extrêmement réaliste.

«Toutes les oeuvres sont uniques. Le processus prend des mois, puisque chaque monument est personnalisé», soutient la designer.

Le déroulement

Lorsqu’un client la contacte, Barbara Claus prend sa valise d’échantillons – des morceaux de granit gravé et une urne funéraire – et elle se déplace pour le rencontrer. Elle écoute ce que la personne recherche et en apprend le plus possible sur le défunt. «Je veux savoir son métier, ses passions, son caractère, tout! L’oeuvre doit refléter sa personnalité.»

Pour un enfant mort du cancer, elle a par exemple réalisé une pierre tombale avec sa photo et la partition de musique de sa chanson préférée, en plus de graver un de ses jouets dans la pierre.

C’est elle qui élabore le design. Elle passe ensuite le flambeau à une équipe de graveurs qui exécute ses idées.

«Je suis en avance sur mon temps. J’ai conçu une pierre tombale avec seulement le nom du défunt et un code-barres, mais ça n’a pas encore trouvé preneur. Mes oeuvres peuvent choquer», admet l’artiste.

L’industrie funéraire

Barbara Claus en a long à dire sur l’industrie funéraire. «Il y a tellement de règles! Tout est standardisé», déplore-t-elle.

Elle soutient que faire concurrence à de gros complexes funéraires n’est pas non plus une chose facile. «Ils offrent un service tout inclus, très abordable, de l’exposition à l’enterrement en passant par les mémentos. Ma démarche ne cadre pas avec cela. Je dois souvent me battre pour faire accepter mes idées.»

Et son monument?

Questionnée sur son propre monument funéraire, Barbara Claus avoue que son choix n’est pas arrêté: «J’aimerais que mes cendres soient dispersées, mais ça va à l’encontre de toute mon oeuvre! , dit-elle en riant. Sérieusement, on retourne souvent à nos racines lorsque l’on s’approche de la mort. Je voudrais être enterrée là où est mon frère, dans un petit cimetière de campagne en Belgique.»

Elle a encore le temps d’y penser: après tout, elle vit avec la mort au quotidien.