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Les architectes mettent la main à la pâte

Construire vite, mais bien. Rénover plutôt que raser. Résister aux canicules et aux pluies torrentielles. Intégrer la nature dans des villes de plus en plus denses. En 2025, les architectes se creusent les méninges pour répondre à deux urgences : le climat et l’habitat.

La transformation durable des milieux de vie ne se limite plus à ériger de nouveaux édifices. Comme le souligne Marie-Ève Cantin, « le bâtiment n’est qu’un morceau du casse-tête ». Pour la directrice générale d’Écobâtiment, l’architecte doit envisager l’ensemble du milieu, de son emplacement aux usages projetés, afin de concevoir des lieux ancrés dans les collectivités.

Cette démarche est d’autant plus cruciale dans un contexte de crise du logement. Pierre Corriveau, président de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ), estime que construire sans réfléchir à la localisation revient à aggraver les problèmes. « Vous avez beau faire le meilleur projet du monde, si vous êtes obligé de créer une route et des services pour s’y rendre, vous amplifiez la crise climatique. »

Il insiste sur l’importance de la densification réfléchie, qui permet d’optimiser l’espace tout en maintenant la qualité de vie des habitants.

Cette optimisation passe aussi par de petits gestes architecturaux qui permettent aux résidents de s’approprier les lieux. «On peut créer des alcôves dans les chambres, qui se transforment en espaces de jeu, de rangement ou de travail. Ce sont des choses qui ne coûtent à peu près rien, mais qui rendent les logements adaptables à l’évolution des besoins.»

Encore faut-il que les clients les demandent. Marie-France Stendal, directrice du développement durable à STGM, a longtemps pratiqué en Suède. Elle remarque que l’architecte joue un rôle clé au Québec, où la législation énergétique reste moins contraignante qu’en Europe. «C’est à nous d’amener les clients plus loin.»

S’attaquer à l’existant

Plutôt que de bâtir à tout prix, les architectes misent désormais davantage sur la réhabilitation. « Travailler avec ce qui est déjà construit est une des réponses les plus efficaces à la crise climatique », avance Marie-Ève Cantin.

Le président de l’OAQ est d’accord avec ce point, mais il trouve que la réglementation est mal adaptée à la conversion. Comme le nom le dit, le Codes de construction est pensé pour le neuf. Selon lui, il faudrait un véritable «code de transformation». «Un bâtiment de 200 ans qui a passé l’épreuve du temps n’a peut-être pas besoin de se conformer à toutes les normes d’aujourd’hui, illustre-t-il. Il faudrait plus de latitude.»

Marie-Ève Cantin estime que la sobriété est de mise. « Avec les changements climatiques, on met plus de matériaux pour rendre nos bâtiments plus solides. On veut climatiser davantage parce que les étés sont de plus en plus chauds. Mais on se tire dans le pied. » Elle suggère plutôt de prendre un pas de recul et de travailler avec ce qui est déjà en place.

La résilience passe aussi par l’intégration de la nature. Toits verts, ventilation naturelle et design passif réduisent les besoins énergétiques tout en améliorant le bien-être des occupants. « On doit penser des bâtiments impeccables au niveau environnemental, qui améliorent aussi la santé et la qualité de vie des habitants », résume Marie-France Stendal.

S’outiller pour relever les défis

L’OAQ a compris l’urgence d’agir. « Depuis plusieurs années, on a imposé un cours en transition socioécologique à l’ensemble des architectes du Québec. On offre aussi de plus en plus de formations sur ce qui touche la réduction des gaz à effet de serre », ajoute Pierre Corriveau.

Architecture sans frontières Québec propose pour sa part depuis peu une boîte à outils pour la construction résiliente aux inondations. Puisque personne n’est à l’abri des inondations, celle-ci s’adresse aux architectes, mais également aux administrateurs publics, aux ingénieurs, aux propriétaires, et même aux locataires.

Unir ses forces

Tous les experts interrogés s’entendent pour dire que les architectes ne sont plus seulement des concepteurs. Ils sont aussi des influenceurs et des citoyens engagés.

Reste que la résolution des crises climatiques et du logement ne repose pas que sur leurs épaules. Cette responsabilité incombe à tous les acteurs du milieu, y compris la classe politique. La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, s’est notamment engagée dans le prochain mandat à consacrer l’entièreté des investissements pour rénover et améliorer ce qui existe déjà.

Afin de valoriser l’entretien du bâti, Pierre Corriveau souhaiterait par exemple que les politiciens « coupent un ruban avec fierté » pour la réfection d’une toiture et d’autres gestes mineurs, pas uniquement pour de nouveaux bâtiments. L’appel est lancé.

Article paru dans Les Affaires.