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Crise du logement : un modèle à la rescousse

Alors que les loyers montent en flèche et que les condos et maisons abordables sont devenus une denrée rare, les coopératives d’habitation connaissent un vif regain d’intérêt. Construire de nouvelles coops demande toutefois du temps et une bonne dose de persévérance.

La crise du logement actuelle est intimement liée à cette perception erronée que le logement est un investissement, de l’avis de Patrick Préville, directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec (FHCQ). « Ça a contribué au fil du temps à faire en sorte que l’habitation est devenue moins un toit qu’un outil de financement », avance-t-il.

Cette façon de voir les choses n’est pas sans conséquence, selon lui.

« On le voit aujourd’hui, on n’est plus juste dans une crise du logement, on est dans une crise de l’itinérance. On s’approche tranquillement d’une crise sociale si on ne met pas les bouchées doubles pour passer au travers », croit-il.

Dans ce contexte fragile, la coopérative apparaît comme l’une des solutions. Le Québec en compte aujourd’hui 1300, soit environ 30 000 logements.  C’est bien trop peu pour répondre à la demande.

Une forte demande

À la Coop Mile End, sur l’avenue de Gaspé à Montréal, seulement une poignée des 92 appartements se libèrent chaque année. Le nombre de candidatures, de son côté, a explosé. « Depuis le 1er juillet dernier, nous avons reçu entre 600 et 700 applications », précise Dwight Smith, le trésorier de la coopérative.

L’engouement est compréhensible : pour 2025-2026, le loyer mensuel d’un 3 ½ sera de 804 $ et celui d’un 5 ½, de 1028 $. Ça peut sembler élevé, mais il s’agit d’une véritable aubaine dans le quartier. Ce sont d’ailleurs les membres qui décident de la hausse annuelle en assemblée générale. Cette année, ils se sont entendus sur une augmentation de 5 %.

« Notre seul revenu, ce sont les loyers de nos membres, explique Dwight Smith. Le défi d’une coop, c’est toujours de planifier pour le futur, d’avoir une bonne réserve pour l’entretien et les réparations dans 10 ou 20 ans. »

Les résidents s’investissent au quotidien. Certains siègent au conseil d’administration, d’autres s’occupent des menus travaux ou s’impliquent dans un comité. Conquis par le concept, Dwight Smith habite à la Coop Mile End depuis son ouverture en 2019. « Vivre en coop, c’est un engagement. Un engagement dans une économie alternative. »

En moyenne, chaque résident donne 14 heures de son temps par mois à sa coop, selon Sandra Turgeon, directrice générale de la Confédération québécoise des coopératives d’habitation (CQCH).

« Les coopératives plus récentes, qui comprennent souvent plus de 70 logements, demandent beaucoup de gestion, que ce soit pour les états financiers ou l’entretien. On doit embaucher des professionnels en plus », ajoute-t-elle.

En contrepartie, la coopérative fournit à ses membres une vie en communauté. « Les valeurs d’entraide, de développement durable et le sentiment d’appartenance qu’on trouve en coopérative attirent à la fois les jeunes et les aînés », remarque Sandra Turgeon. La formule séduit puisque 25 % des membres vivent en coopérative depuis 20 ans ou plus.

S’adapter aux nouvelles réalités

Les nouveaux projets de coopératives d’habitation se heurtent néanmoins à de nombreuses embûches. « Les membres fondateurs, qui n’ont souvent pas de connaissances en développement immobilier, doivent trouver un terrain et dénicher du soutien financier », illustre le directeur général de la FHCQ.

Le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), qui remplace AccèsLogis, entraîne pour sa part un changement de philosophie. « Le PHAQ mise sur l’agrandissement des coopératives existantes et la consolidation, souligne Sandra Turgeon. La création de nouvelles coopératives n’est pas priorisée. »

Des projets sont tout de même en développement un peu partout au Québec. Ils devraient voir le jour dans un an ou deux.

Sandra Turgeon est convaincue que les coopératives enrichissent la société. « En ayant un loyer qu’ils sont capables de payer, les résidents améliorent leurs conditions de vie. On entend de belles histoires de personnes qui sont retournées aux études, qui ont développé une meilleure confiance en eux, qui s’impliquent dans leur collectivité à travers leur parcours dans une coopérative d’habitation. »

Article paru dans La Presse.