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Les fondations poussent à la roue

La pression monte dans le milieu philanthropique. Entre la situation économique difficile, les répercussions de la pandémie, les inégalités sociales et la pénurie de main-d’œuvre, les besoins se font de plus en plus criants. Le contexte actuel a néanmoins sensibilisé la population à l’impact des dons et incité les fondations à agir.

Il s’agit d’un triste record : les banques alimentaires ont aidé 872 000 personnes chaque mois en 2023, soit une augmentation de 30 % par rapport à l’année précédente. Malgré la demande grandissante, Centraide observe avec bonheur (et soulagement) que les Québécois continuent de donner.

« C’est extraordinaire, lance le président-directeur général Claude Pinard. Il y a même une hausse des dons dans certaines catégories. » Les quelque 800 grands donateurs de Centraide, qui donnent chacun plus de 10 000 $ par année, ont notamment redoublé leurs efforts.

Le sondage de l’Institut Mallet sur la philanthropie en contexte de relance post-pandémie va dans le même sens. « La crise sanitaire a sensibilisé la population à l’importance des dons et aux besoins sur le terrain », souligne la directrice générale Caroline Richard.

En février, 85 % des Québécois avaient l’intention de faire au moins un don (en biens, en argent ou en temps) en 2023.

Si la situation est au beau fixe pour Centraide, elle n’est pas la même partout. Le président du conseil d’administration de l’Association des professionnels en philanthropie (AFP) Québec remarque une baisse des dons pour un grand bassin de donateurs. « Avec l’inflation, le 100 $ que vous donnez chaque année n’a pas le même impact qu’il y a cinq ans », estime Daniel H. Lanteigne.

Face à ce constat, les organisations sont agiles, croit-il. Elles revoient leurs stratégies, adaptent leurs façons de faire de la sollicitation ou les types de projets à présenter.

Des gens épuisés

Cette pression pèse sur les organismes de bienfaisance et leur personnel. Les bénéficiaires de leurs services sont aussi touchés. « J’ai vu des banques alimentaires embaucher des intervenants en santé mentale, dit Claude Pinard. C’est une situation complexe. »

Il ajoute que les organismes communautaires peinent à garder leurs employés en raison de la pénurie de main-d’œuvre.

Il y a une fatigue mentale généralisée, un certain épuisement. Il faut accepter qu’on ne puisse pas aider tout le monde. – Claude Pinard, président-directeur général de Centraide

Le secteur a tout de même bénéficié de cette envie provoquée par la pandémie de donner un sens à son travail. « On doit par contre prendre le temps de former les nouveaux venus, surtout depuis que le certificat en gestion philanthropique à l’Université de Montréal a été sapé », précise le président du conseil d’administration de l’AFP Québec.

La collaboration à l’honneur

La santé demeure toujours la cause qui rejoint le plus les Québécois, mais les intervenants du milieu ne restent pas les bras croisés devant la crise du logement, l’itinérance, les changements climatiques ou la pandémie. « Tout le monde a un rôle à jouer dans l’urgence climatique, estime Daniel H. Lanteigne. Même chose pour la réconciliation avec les peuples autochtones. »

Adepte de la « collaboration radicale », Claude Pinard se réjouit de voir les acteurs philanthropiques agir. « S’attaquer à un enjeu social ne se fait pas seul, dit-il. Le gouvernement, les villes, les institutions, les entreprises privées, les organismes communautaires et les fondations doivent travailler ensemble pour trouver des solutions. »

Le PDG rappelle que la solidarité est au cœur de la mission de Centraide.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

On sait ce qui se passe sur le terrain et on a une idée des enjeux qui touchent le Grand Montréal. Notre rôle, c’est de rassembler les gens. On va le faire de plus en plus. On veut être un acteur de changement. – Claude Pinard, président-directeur général de Centraide

Le prochain sommet de l’Institut Mallet s’attardera justement à la complémentarité des rôles. « On veut voir comment poursuivre notre action ensemble, comment continuer à combler les besoins tout en agissant directement sur certaines problématiques », explique Caroline Richard.

Les francophones rattrapent leur retard

La culture philanthropique a progressé dans le milieu d’affaires francophone au cours des dernières années, mais a-t-elle rattrapé celle du milieu anglophone ? Pas tout à fait, selon Daniel H. Lanteigne. « Le vide créé par le désengagement religieux n’a pas encore été comblé. »

L’Institut Mallet n’a pas de chiffres à cet égard. Caroline Richard relève quand même un très grand engagement des entreprises. « Elles s’impliquent dans les campagnes de financement, elles organisent des défis sportifs et autres levées de fonds. Cela contribue au rayonnement de la philanthropie. »

Claude Pinard croit pour sa part que le milieu francophone n’est plus à la traîne ; 70 % des grands donateurs de Centraide sont d’ailleurs francophones. « Je suis convaincu que les francophones comprennent tout autant que les anglophones que les ressources de la société pour répondre à des problèmes complexes sont limitées. La tradition de la philanthropie s’est enracinée au Québec, et ses racines sont solides. »

Article publié dans La Presse.