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Pratiquer à l’étranger

Les voyages forment la jeunesse, dit-on. L’adage a beau sonner comme un cliché, il n’en reste pas moins qu’un séjour à l’étranger permet d’ouvrir ses horizons, en particulier en début de carrière. Deux diplômés en architecture d’ici nous racontent leurs aventures hors du Québec.

Depuis 2015, Jean-Philippe Bellemare, 39 ans, exerce la profession d’archi­tecte en Allemagne, après quelques années passées au sein des ateliers L. McCom­ber et de MU Architecture, à Montréal.

Les projets d’habitat participatif en Europe, qui permettent à un groupe de personnes de construire leur logement sur mesure et d’adopter un mode de vie écologique et communautaire, cadraient bien avec ses valeurs.

Le titulaire d’un baccalauréat en architecture de l’Université McGill et d’une maîtrise en architecture de l’Université de Montréal a donc postulé des emplois dans des agences en France, en Belgique, en Allemagne et en Autriche. « J’ai finalement choisi un bureau à Darmstadt, juste au sud de Francfort. »

L’expérience lui a beaucoup plu. « C’était une panoplie de technologies différentes, de façons de faire, de normes aussi. » Son premier mandat, le projet de cohabitat Agora, répondait par exemple à la norme énergétique allemande KfW 40 grâce à une enveloppe très performante, un chauffage central à granulés de bois et des toits bardés de panneaux photovoltaïques. « Les coupes de mur m’ont frappé à l’époque, raconte-t-il. Des murs super épais, de 49 cm, avec une simplicité dans le dessin d’exécution qui m’impressionnait. »

Il est resté trois ans chez werk.um architekten GbR. « Entre-temps, j’ai obtenu ma résidence permanente et j’ai rencontré celle qui est devenue mon amoureuse. » C’est avec elle qu’il s’est installé en Forêt-Noire, à la pointe sud-ouest de l’Allemagne, où il demeure toujours… dans un habitat participatif, bien entendu ! Afin de s’intégrer le plus possible à sa nouvelle patrie, Jean-Philippe Bellemare a également perfectionné son allemand.

Un souci écologique

Maintenant à son compte, il conçoit des projets d’habitat participatif avec des groupes de citoyens et citoyennes qui désirent adopter ce mode de vie. Il cherche à définir les besoins, tout en veillant à ce que les logements puissent évoluer en même temps que les ménages. Il se voit essen­tiellement comme un médiateur. « La tâche mêle la construction à l’humain. Souvent, ceux qui fondent ce genre de communauté sont des bricoleurs. Je suis donc moins dans la technique avec eux. Je négocie les permis, vois à respecter les normes et donne forme à leur vision. »

Une charpenterie écologique, qui est à la fois un manufacturier de maisons préfabriquées sur mesure et un entre­preneur général, peut également compter sur ses services. « Je suis l’architecte pour ceux qui veulent se construire une maison. Je les accompagne du début à la fin. »

Cet amoureux de l’architecture durable conçoit aujourd’hui avec des matériaux naturels comme l’argile. « Ça me ressemble. J’ai l’impression qu’on n’est pas aussi avancés en matière de matériaux locaux ou de préfabrication au Québec. »

Selon lui, les gens sont plus informés en Allemagne. « L’architecture prend plus de place dans l’espace public. Avoir recours à un architecte est plus familier. La culture du “faites-le vous-même” est très répandue aussi. »

Lorsqu’on lui demande s’il reviendra un jour au Québec, l’Allemand d’adoption hésite. « Si je le fais, ce sera pour la famille et les amis. La culture du travail est plus saine en Allemagne. Personne ne rentre au travail s’il est malade pour prouver qu’il aime son employeur. L’effort de construire écologique est là aussi. C’est possible de faire autrement. »

L’architecture… pour les oiseaux

Jérôme Codère a eu envie de voir du pays après sa maîtrise en architecture à l’Uni­versité de Montréal. « Grâce à un de mes contacts à l’université, j’ai eu l’opportu­nité en 2015 de partir un an pour étudier dans un programme de maîtrise en architecture de paysage en Norvège. J’ai fait deux semes­tres à Oslo », raconte le jeune homme de 32 ans.

« J’avais l’impression que si je ne partais pas à l’étranger en sortant de l’école, l’occa­sion ne se représenterait pas », ajoute-t-il.

Jérôme Codère a ensuite décroché un emploi au sein de la petite agence d’archi­tecture Biotope. Il s’est ainsi retrouvé sur l’île de Vardø, à l’extrémité nord-est de la Norvège.

Le couple d’architectes à la tête du bureau s’est établi dans ce coin reculé par amour pour les oiseaux. Vardø est en effet propice à leur observation. On peut en voir 150 000 de plusieurs espèces dans la région.

« C’était un village de pêcheurs d’environ 2000 habitants à moitié fantôme, en déchéance économique. En fondant Biotope, le but était de relancer l’économie en misant sur le tourisme de nature. » La firme s’est spécialisée dans la conception de refuges et d’observatoires pour les adeptes d’ornithologie et autres disciples du plein air. 

La mission de Jérôme Codère dans tout ça ? Bâtir de petits objets de design, comme des caches ou des abris antivent, dans des endroits totalement isolés. « Ç’a été une belle expérience, dit-il. On a passé par exemple un mois dans le nord de l’Islande pour développer ce genre de mandats. »

Après un an loin de tout, le Montréalais avait soif de bruit et de bitume. Il a donc déménagé à Bergen, la deuxième plus grande ville de Norvège. « J’ai trouvé un emploi dans un bureau plus traditionnel, Arkitektgruppen Cubus, qui comptait de 20 à 25 employés. » Il a notamment participé à l’élaboration d’un ensemble d’habitation et d’une place publique ainsi qu’à la réfection d’une école spécialisée pour les élèves vivant avec un trouble du spectre de l’autisme.

Une culture architecturale forte

Il note que l’architecture est plus valorisée en Norvège qu’au Québec. « Les gens apprécient l’architecture au quotidien, ils y sont sensibles. » La démarche architecturale diffère également. « La qualité du design y est davantage considérée dans les décisions qu’au Québec », dit Jérôme Codère.

Son expérience de deux ans en Norvège lui a aussi permis d’étoffer son CV. « Être à l’étranger me donnait la liberté d’essayer des choses que je n’aurais pas osé entre­prendre au Québec. Au pire, je me disais que je pouvais toujours rentrer à la maison. » 

Le mal du pays aura finalement eu raison des pérégrinations de l’architecte. « En raison de la barrière de la langue, j’avais l’impression d’avoir appris tout ce que je pouvais. Il m’était impossible de faire de la gestion de projet ou de la coordination de chantier, par exemple. »

De retour à Montréal, Jérôme Codère a travaillé quatre ans pour L’Abri, où il a réalisé de petits projets résidentiels de A à Z, avant de se joindre à La Firme. « Je  ne pourrais pas faire ce que je fais maintenant sans ce parcours. »

Article écrit pour Esquisses.